Echoes
The Rapture - 2003
The Rapture,
contrairement à une pléiade de groupes
qui naissent et meurent dans une célébrité aussi éphémère qu'assassine, a
longtemps joué sans gloire, enchaînant les galères anonymes en vrai petit
soldat du punk-rock. Le groupe est né au milieu des années 90 sur la côte Ouest
des Etats-Unis, dans la petite ville de San Diego, fondé par Luke Jenner
et Vito Roccoforte. Au fil des années, des concerts et des vaches
maigres, le groupe parvient à enregistrer quelques morceaux, qui se retrouvent
presque par hasard compilés sur un premier mini-album, le très brut Mirror, collection urgente de maquettes artisanales.
Vers la fin des années 90, le groupe déménage à New York. Selon la légende,
Luke Jenner aurait alors passé ses nuits à dormir dans la camionnette du
groupe, sous le pont de Brooklyn. Selon la légende toujours, c'est à New York
que le destin du groupe s'est renversé.
Le groupe recrute alors son dernier membre,
Matt Safer, et rencontre James Murphy, alias LCD Soundsystem, producteur
en vue et moitié du label DFA. De cette association naissent les morceaux d'un
mini-album sorti par Sub Pop, Out of the races
& Onto the Tracks. Ensemble, ils enregistrent surtout deux
autres compositions, vertigineuses, House of Jealous
Lovers et Olio. Sortis par DFA et le
label anglais Output, ces deux maxis ont défrayé la chronique des petits
milieux musicaux, de New York à Paris. Imparables, ces deux morceaux
réinventaient le son de The Rapture, qui se découvrait alors des amours
hybrides. Il s'agissait là de rock, mais construit à la manière d'un morceau de
house, avec des phrases hypnotiques, une rythmique mi-organique mi-robotique,
très sauvage, et une dynamique quasi disco. Edités en 2002, au compte-gouttes,
en vinyle, ils étaient devenus introuvables, sinon sur les sites de vente aux
enchères ou par téléchargement. Sur Ohio, le
chant de Luke Jenner rappelle celui de Robert Smith. On y décèle les mêmes
inflexions désespérées, les mêmes intonations sépulcrales. Surtout, il y chante
au dessus d'un lac de boîtes à rythmes, menées par un motif de piano lancinant,
qui semble sortie des disques de Fingers Inc., mythique groupe de house
des années 80 - et héros patentés de Luke Jenner. La vraie nature de The
Rapture : une confrérie de fous de musique.
Puis
le groupe sort Echoes, premier album à
ne pas être édité en catimini. On y entend les hits précedemment cités et une
flopée d'autres morceaux qui, à première vue, semblent tous sous influence. On
y décèle des correspondances avec quelques groupes historiques comme PIL,
Liquid Liquid, ou Cure.
Echoes est formaté comme un set de DJ : les
morceaux, très divers, s'enchaînent en s'entrelaçant presque. Le disque
commence par Olio et se termine par Infatuation, une ballade spectrale, amoureuse et
épuisée. Entre les deux, The Rapture fait un tour d'horizon du rock, dans tous
ses genres, et flanque plus d'une fois la chair de poule, atteignant souvent un
bel état de grâce. Echoes se révèle alors le candidat idéal pour une île
déserte, résumant à merveille vingt années musicales tout en augurant de
nouveaux horizons enthousiasmant.
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